La distribution des produits d’assurance de dommage au Maroc par les agences bancaires – Les implications juridiques

Il s’agit dans ce bref papier de traiter de la commercialisation via des agences bancaires des produits d’assurance de dommage à travers un cabinet de courtage « captif », l’établissement de crédit agissant en tant que souscripteur pour compte. A ce titre, deux questions pratiques se posent aux banques notamment : Premièrement – La Banque est-elle habilitée à toucher une rémunération pour la mise à disposition de son réseau d’agences pour les opérations de souscription pour compte concernant des produits d’assurance de dommage, sous forme d’une refacturation à son cabinet de courtage ? et dans l’affirmative, quels sont les risques inhérents à l’absence de cette rémunération depuis la mise en place de cette prestation, et ce, au regard des dispositions légales et réglementaires applicables ? et ensuite, le cabinet de courtage captif est-il autorisé légalement à partager avec la Banque (qui joue contractuellement parlant, le rôle de souscripteur) la commission perçue sur les primes d’assurance ?

Il convient tout d’abord de bien définir le cadre légal de commercialisation des produits d’assurance par les banques, ou ce qu’on appelle commodément bancassurance.

En effet, il faut rappeler à cet égard que ce réseau de distribution de l’assurance (via les agences bancaires) est resté longtemps et est toujours aujourd’hui une exception, en vertu du code des assurances marocain, qui dispose dans son article 289 que : « les opérations pratiquées par les entreprises d’assurances et de réassurance sont présentées au public soit directement par lesdites entreprises, soit par l’entremise des personnes habilitées à cet effet et dénommées « intermédiaires d’assurances et ce, sous réserve des dispositions de l’article 306(…) ». Cet article institue la dérogation de présentation des opérations d’assurance par les établissements de crédit, organismes assimilés et associations de microcrédit et la soumet à l’obtention d’un agrément spécifique de l’ACAPS.

Pour l’obtention de cet agrément les établissements de crédit doivent justifier à l’ACAPS l’existence de structures adéquates (aux niveaux de leurs agences) destinées à présenter ces opérations d’assurances. Mais la majeure limitation liée à la distribution par la bancassurance réside dans le fait que cette présentation des opérations d’assurance par les agences bancaires est limitée aux assurances de personnes, à l’assistance et à l’assurance-crédit (article 306 du code des assurances).

Dans ce cadre, (c’est-à-dire de présentation seulement de ces opérations) les établissements de crédit présentant ces opérations d’assurance sont soumis aux règles suivantes :

  1. Ils représentent leurs clients auprès des entreprises d’assurances et de réassurance en ce qui concerne le placement des risques. Toutefois, cette représentation est censée s’opérer également pour le compte de l’entreprise d’assurances et de réassurance dans l’hypothèse où celle-ci autorise la société de courtage à encaisser les primes à son profit. Dans ce cas, l’encaissement de la prime par la société de courtage est libératoire pour le client qu’elle représente (article 297 du code des assurances).
  2. Ils ne sont autorisés à régler des sinistres pour le compte des entreprises d’assurances et de réassurance que sur mandat spécial.
  3. Ils leur sont interdit d’encaisser un montant de prime supérieur à celui fixé par l’entreprise auprès de laquelle le contrat souscrit ainsi que l’octroi aux assurés de toute ristourne de commission ou escompte sur prime sous quelque forme que ce soit.
  4. Ils doivent être régis par le droit marocain et avoir leur siège au Maroc.
  5. Ils sont rémunérés à la commission.

Cependant, le principe est que la présentation des opérations d’assurance de dommage n’est pas permise directement aux établissements de crédit. Généralement les banques choisissent de créer ou d’acquérir un cabinet de courtage captif (c’est-à-dire ne fonctionnant qu’avec la Banque mère ou ses filiales, le cas échéant) afin de contourner cette contrainte légale. Ce qui est tout à fait légal : distribuer à travers un courtier d’assurance les produits d’assurance de dommage.

De plus en plus, aujourd’hui les banques se posent la question de savoir : si elles sont habilitées à toucher une rémunération pour la mise à disposition de leurs réseaux d’agences pour les opérations de souscription pour compte concernant des produits d’assurance de dommage, sous forme d’une refacturation au cabinet de courtage captif.

La réponse est affirmative. Tout dépend de la nature juridique des liens qui existent entre la banque (généralement ces liens sont capitalistiques). Il n’est pas interdit alors d’établir un contrat de mise à disposition d’infrastructures d’accueil, de personnel ou de matériel afin de refacturer au courtier les services et/ou prestations qui lui sont rendus par la banque.

Ce serait alors un type de contrat intragroupe entre une société mère et sa filiale, ce genre de contrat serait intéressant pour la banque aussi bien sur le plan de la gestion que sur le plan fiscal, afin de rentabiliser la mise à disposition de ses agences. Mais il faudrait dans sa rédaction prendre toutes les précautions nécessaires afin d’éviter de mentionner que la banque procède au conseil sous son nom propre ou pour son compte lié aux produits d’assurance de dommage et que la rémunération qu’elle perçoit n’est pas une commission d’intermédiation, mais uniquement une indemnisation de mise à disposition de structure d’accueil, de personnel, de matériel, etc.

Pour ce qui est de la question relative à la non-récupération de cette rémunération pendant une période plus ou moins longue, il ne s’agit pas ici de risques induits, mais cette situation concerne plutôt, les solutions pour reprendre le manque à gagner historique à chiffrer par la banque. C’est-à-dire à combien elle évalue les rémunérations de mise à disposition de ses structures d’accueil, son personnel, son matériel, etc., pour tous les produits d’assurance de dommage placés par le cabinet de courtage. Cela étant fait, ensuite, rien ne lui interdit de les recouvrer rétroactivement, moyennant un protocole d’accord de restitution qu’elle conclura avec le courtier captif.

Sur un autre plan, le cabinet de courtage captif est-il autorisé légalement à partager avec la banque (qui joue contractuellement parlant, le rôle de souscripteur) la commission perçue sur les primes d’assurance ?

Juridiquement parlant les commissions rémunèrent la présentation des opérations d’assurance par l’intermédiaire d’assurance, qu’il soit agent général d’assurance, courtier d’assurance ou bureau direct de compagnie d’assurance, ou établissement de crédit (pour les produits d’assurance de personnes). Ces commissions prennent deux formes, soit des commissions d’apport, soit des commissions de gestion, et généralement c’est le cumul des deux, quand l’intermédiaire d’assurance dispose du mandat de la compagnie d’assurance pour gérer les sinistres pour son compte. La commission d’apport rémunère uniquement l’effort commercial de placement des risques.

Cependant, étant donné que les banques ne sont pas autorisées à commercialiser les produits d’assurances de dommages, elles ne peuvent légalement prétendre à la perception des commissions y afférentes. Toutefois, la banque, comme le font tous les groupes et holdings financiers détenant le capital de cabinet de courtage en assurance, peut récupérer les bénéfices du chiffre d’affaires du courtier moyennant la remonté de dividende. Le plus important dans ces montages et d’éviter les qualifications juridiques d’opération interdites comme partage de commissions, reversement de commission, rétro-commission, etc.